laura
(a.k.a. Laure Camache Salgade)
L’instant d’après
Il aurait fallu que je sois rentrée l’instant d’après. Mais les escaliers sont très longs et mes petites jambes trop courtes pour arriver rapidement aux moments quand la vie change. Les personnes qui habitent aux dernières étages arrivent à l’heure seulement aux moments prévisibles d’un routine étouffante.
Et moi, j’ai grandi au septième etage, dans un immeuble sans ascenseur. Donc je n’ai pas la patience pour vous raconter tous les instants que j’ai raté. Toujours trop tôt ou trop tard. Difficile donc d’arriver plus vite ce mardi matin, sourtout la première semaine du mois, quand le lait d’avoine est en solde de 20% et mon sac me tirait vers le centre de la terre. J’aurais dû me rendre compte en regardant la porte d’entrée ouverte, les pots bleus des fleures cassés en bas de l’immeuble, les ambulances et les pompiers qui s’éloignent. Peut être ma tête dans les nuages, mes écouteurs à bloc, ou mes bras fatigués, m’ont empêché de regarder la tache dans la cour intérieure. Mais en arrivant à la porte de notre petit appartement cassé en deux, j’ai compris que lui ne serait pas revenu. Comme si tous les objets comprennent la gravité de ce vide, mon sac est tombé en ramènent mon corps au sol. Mon poids écrasant tombe sur les litres de lait d’avoine eb construisant des petittes rivières blaches autour de ma silhouette. Pour un instant mon corps était son corps. Moi ici par terre avec la culpabilité de n’avoir pas fait assez et lui dans la cour intérieure libre d’une vie insoutenable. Petits ruisseaux de sang et de lait d’avoine.
tibo
(a.k.a. Tibocho Popocho)
justine
(a.k.a. Giustina Timber Lake)
maud
(a.k.a. Dépêche Maud!)
Qu’elle est courte et intense Cette seconde où tout bascule.
Le regard humide et grave de la mauvais nouvelle, La chute du verre à pied de mariage de ta grand-mère, Le siflet de l’arbitre qui ouvre le match, Le train qui démarre vers un nouveau départ, Le message de 3h du matin annonçant ta naissance, Le premier flocon de neige, Le premier coquelicot, La chute.
Hier Il ne m’a fallu Qu’une toute petite seconde Pour marcher à travers le plancher. Le temps ne s’est pas arrêté. Ma respiration s’est bloquée. Je tombais au rez-de-chaussée. Par chance, seulement de belles ecchymoses ont endolori l’instant d’après.
raphael
(a.k.a. Rafiki)